jeudi 6 septembre 2012

Quand les compléments alimentaires remplacent le sport !


Lors d’une discussion avec un collègue écoutant au numéro vert écoute dopage, nous échangeons autour d’une anecdote concernant les compléments alimentaires.
 « Bonjour, je fais de la musculation et je voudrais avoir des renseignements sur un complément alimentaire : le « patator* ».  J’ai entendu dire que certains compléments alimentaires n’étaient pas très clean alors je me renseigne. Je voudrais faire une cure de deux mois car à la rentrée je pense aller à la salle de muscu au moins 3 heures par semaines. »
La dernière fois qu’il a reçu ce genre d’appel, mon collègue avoue qu’il a eu  du  mal à garder son sérieux et la neutralité bienveillante qui caractérise le travail de l’écoutant. 

Ce type de demande est caractéristique des évolutions actuelles de la pratique sportive où  les compléments alimentaires ont acquis un statut des plus étonnants : ils sont devenus un élément tellement associé à la pratique sportive et à la performance que leur présence devient indispensable même à la seule pensée de se mettre à faire un peu de sport.  Au point de détrôner l’achat de la paire de basket ultra technique dernièrement mise au point par machin truc.

C’est une caractéristique du sport moderne : la protéine est la béquille motivationnelle de beaucoup de sportifs, ceux du dimanche comme certains sportifs professionnels pour qui la consommation de protéines, d’acides aminés,  de boissons énergisantes sont fortement intriqués avec l’entraînement.
A l’origine, ce genre de supplémentation correspondait à des besoins effectifs pour pallier aux conséquences de l’exercice physique intensif.  Au fil du temps, la consommation de ces suppléments s’est élargie, vers des pratiques de moins en moins intenses  pour aboutir à des situations absurdes : consommer sans en avoir le moins du monde besoin, consommer avant même de pratiquer !

A défaut de s’entraîner, pour certains, boire du patator c’est déjà faire du sport !

* patator : terme générique utilisé par certains sportifs pour parler des compléments alimentaires visant la prise de muscle.

jeudi 12 juillet 2012

« La  performance plus chère que la santé ! »


La participation de l’équipe de France de football à l’Euro 2012 vaut à chacun des 23 joueurs sélectionnés une prime versée par le ministère des sports. Le Figaro, dans son édition du 25 juin 2012, évoquait les « 240.000 euros pour la qualification à la compétition, 100.000 euros pour celle aux quarts de finale, 40.000 euros d'intéressement au sponsoring, auxquels s’ajoutent les 70 000 euros pour la participation aux quarts de finale », soit un total de 450 000 euros par joueur, et 1,035 million d’euros pour l’équipe.

La ministre des sports, Madame Valérie Fourneyron évoquait d’ailleurs dans le même article les inquiétudes que lui posait un trou de 50 millions d’euros dans le budget de son ministère.

C’est donc un soulagement pour le ministère des sports que Michel Platini qualifie de « bonne proposition » la suggestion de Madame la ministre, de ne pas verser leurs primes aux footballeurs, s’alignant ainsi sur les Italiens qui reversent leurs primes aux victimes des tremblements de terre survenus en Mai en Emilie Romagne (cf AFP 01 juillet).

Bientôt viendront les jeux olympiques et les 5 millions d’euros de primes à verser aux athlètes qui rapporteront des médailles ( Le Point du 25 juin).

On peut en effet s’interroger sur le bien-fondé du principe d’une participation aussi importante des contribuables à l’effort de l’excellence sportive, quand la prévention du dopage est si mal lotie : à titre d’exemple, les budgets des 23 antennes médicales de prévention du dopage et du numéro vert Ecoute dopage  n’atteignent pas un million d’euros.

vendredi 22 juin 2012

Position critique sur la notion de conduite dopante

par Jean-Claude VILLANUEVA, Psychologue du Sport




La notion, maintenant devenue traditionnelle, de conduite dopante, doping behaviour en anglais, fut proposée en 1997[1] par Patrick Laure, médecin de santé publique Français.
Depuis 2000, sur le plan national cette notion a été largement utilisé lors de la campagne de prévention de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) "Drogues. Savoir plus, risquer moins"[[2]]
Aujourd’hui cette notion est très répandue dans le champ de la prévention des consommations de substances, notamment auprès des sportifs, des étudiants et dans les entreprises et parait indispensable à la prévention du dopage proprement dit.
Mais n’y aurait-il pas là, dans le biais de cette conception qui ne distingue pas entre le dopage - qui selon sa définition originelle ne cible que le champ sportif - et les conduites de consommation de substance pour quelconque performance, sportive ou non, et qui brasse ainsi tout public en une prévention qui se veut primaire[3], une erreur ?
Une erreur que la prévention quaternaire[4] nous révèlerait ? - prévention qui interroge son intention prophylactique en tentant de répondre de ce premier principe «primum non nocere» (d’abord ne pas nuire).

jeudi 26 avril 2012

DAVID DOUILLET VEUT PENALISER LA CONSOMMATION DE PRODUITS DOPANTS : MAIS POURQUOI ?


David Douillet, ministre des sports depuis le 26 septembre 2011,  a proposé de créer un « délit pénal pour l’utilisation de produits dopants ». L’enjeu de cette proposition de loi, dit-il, n’est pas de mettre les sportifs en prison mais de mettre les athlètes concernés «  à disposition des services d’investigations » afin qu’ils puissent "donner les informations qui permettront d'aller beaucoup plus vite dans le démantèlement de ces mafias". Devant une telle idée de mettre au tribunal un sportif, par ailleurs puni logiquement en étant suspendu par les instances sportives, il s’agit donc de transformer les sportifs dopés en « indics » afin de faciliter le travail de la police contre les pourvoyeurs de produits dopants.
Cette surprenante proposition m’amène à faire plusieurs commentaires :
  • Moralement, faire des sportifs, qui ont certes fauté en consommant des produits dopants, des délinquants qui doivent en plus dénoncer d’éventuels pourvoyeurs me paraît plus que discutable. De plus, rappelons que la plupart des produits dopants sont en vente libre soit en pharmacie, soit sur internet. La majorité des sportifs dopés n’ont donc besoin de personne pour se fournir. C’est peut-être réconfortant de déresponsabiliser les sportifs en les considérant comme les victimes d’horribles machinations mafieuses, mais la réalité met surement plus que semble le penser le ministre  le sportif au centre de son propre dopage.
  • Pratiquement, j’ai cru comprendre que les tribunaux étaient surchargés. A quoi bon pénaliser des fautes et des fautifs qui ne pourront pas être jugés dans de bonnes conditions. S’il est question de juger un sportif quelques années après des faits alors qu’il a soit terminé sa carrière, soit  qu’il se trouve dans une réalité médiatique du moment qui n’a rien à voir avec le climat qui entoure un procès, je ne vois pas l’intérêt.
  • Enfin, pédagogiquement, on sait bien que la peur du gendarme n’a jamais empêché les hors la loi d’agir. Est-ce que le durcissement des lois concernant la détention des stupéfiants a entraîné une diminution du nombre de consommateurs ? Évidemment non ! On peut donc douter de l’efficacité d’une telle mesure pour enlever l’envie à certains sportifs de se doper.

vendredi 23 mars 2012